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Note de l'auteur: Cet article est également publié sous le titre El Qods, pour ne plus oublier
Note de l'auteur: Cet article est également publié sous le titre El Qods, pour ne plus oublier
Il y a quelques décennies de cela, on nous surnommait
« la Mecque des révolutionnaires ». Tout le monde était déjà venu
nous voir, se réfugier chez nous où tout simplement nous rendre visite et
apprendre de nos expériences passées. Notre lutte anticolonialiste et
notre héroïque combat pour l’indépendance nationale ont fini par nous conférer
le statut de modèle révolutionnaire et avaient même forcé le respect de ceux
qui nous jalousaient où ne nous aimaient pas. Le non-alignement était la
doctrine politique convenue du tiers-monde qui devait apprendre à résister
aussi bien aux turbulences de la guerre froide qu’aux effets pervers d’un monde
désarticulé entre l’est pro-soviétique et l’ouest pro-américain. Le Che
nous avait déjà rendu visite, Carlos aussi. Et de sa voix sublime Myriam
Makeba chantait en arabe l’Afrique. Puis vinrent les têtes pensantes
de l’ETA basque, les panthères noires américaines, la résistance chilienne, les
différents mouvements de libération africains, les différents factions
Palestiniennes, peut-être sans doute l’IRA irlandaise et tous les autres, de
toutes races et de toutes couleurs, qui étaient aussi parmi nous mais dont on
ne parlait jamais. L’espoir a fleuri au Portugal et le temps a passé.
Beaucoup de pays sont devenus indépendants où se sont tout simplement libérés
de leurs dictatures et de leurs dictateurs. D’autres réfugiés ont préféré
changer d’air et se sont installés sous d’autres cieux. Mandela est
sorti de prison et Soweto est devenu une légende. Puis petit à petit, d’autres
«Mecque des révolutionnaires » ont commencé à essaimer. Après Alger,
vinrent Damas, Téhéran, Bagdad, Beyrouth, Tripoli et parfois Tunis. Et ceux qui
après avoir longtemps vécu à Alger préférèrent, sans doute effrayés par
la tragédie algérienne, s’en aller. La guérilla était désormais toujours dans
nos gènes et d’autres ne comprenaient déjà plus que tout pouvait déjà
recommencer. Ils oublièrent sans doute que les mêmes causes provoquent toujours
les mêmes effets. La guerre d’Algérie ne finissait décidément plus ! Entre
temps, la guerre froide a fondu sous les assauts bouillonnants des révolutions
de velours, le mur de Berlin s’est écroulé et le monde a révélé sa
véritable face hideuse. La bipolarisation entre l’est et l’ouest n’était
finalement qu’un leurre et sur terre l’on ne pouvait plus être désormais que du
nord où du sud. La pauvreté, les maladies, la faim, la misère, les bidonvilles,
l’eau polluée et les guerres civiles étaient le breuvage des plus humbles. Le
sud était pourtant infiniment plus riche, regorgeant toujours de plus de
ressources et de ce qu’il faudra encore sûrement découvrir. Mais le sud était
toujours affaibli, dépossédé et exproprié. Et l’ordre et la raison
étaient toujours du coté du plus fort. Mais personne ne vint nous chercher et
nul besoin d’éventail. Nous fûmes devenus les supplétifs et les artisans
de notre propre aliénation! Notre réveil fût brutal lorsque nous découvrîmes
qu’il ne pouvait y avoir finalement d’autres Mecque que celle vers laquelle
nous orientons nos prières. Arabes, berbères, africains, méditerranéens, nous
étions surtout musulmans et cet héritage commun devenait le
meilleur attelage pour nous rassembler, nous redéployer et nous reconstruire.
Longtemps refoulée, ignorée, blessée, malmenée, contenue, notre foi ressurgit
comme peut l’être le feu de l’espérance et la lumière de la voie enfin
retrouvée. Et beaucoup découvrirent qu’elle seule nous libéra de toutes les
soumissions et de toutes les servitudes et qu’elle seule peut encore nous
libérer. Mais ils vinrent nous dire que nous ne devions surtout pas changer et
qu’il ne pourrait y avoir d’autre modèle que le leur. Alors ils profanèrent nos
certitudes et souillèrent le blanc immaculé de nos profondes convictions. Ils
violèrent nos consciences et nous enivrèrent de leur hymne à l’universalité.
Puis ils nous inoculèrent l’antidote à l’authenticité, au retour aux sources et
à la libération. Ils décidèrent ensuite, pour mieux se venger de notre entêtement
à récuser la soumission, que nous devions vivre la tragédie de la
désintégration. Ils nous surnommèrent ensuite « La Mecque du
terrorisme » et décrétèrent qu’en la matière nous devions devenir un
modèle. Alors ils envoyèrent leurs spécialistes, leurs fins limiers et leurs
stratèges pour nous ausculter et nous observer pour mieux identifier le mal
dont nous souffrions et nous prodiguer les soins sans lesquels nous pourrions,
selon eux, sombrer. Mais ici, la désintégration ne se produisit pas. Du moins pas
comme ils l’auraient souhaité. Et la résilience de ce peuple, qui possède la
faculté mystérieuse et innée de se diviser puis, miracle du ciel, de se
rassembler, se révéla tenace et difficile à vaincre. Et les loups se mirent de
nouveau à penser. Et ils réinventèrent la guerre pour mieux nous surprendre.
Comme ailleurs, les prétextes étaient tous déjà trouvés. L’œuvre de la
dépossession et de l’aliénation ne devait jamais s’interrompre mais se
poursuivre. Les nouveaux croisés sont ici, déjà là, à nos portes et notre
pénitence est leur appétit insatiable. Ils veulent posséder notre or, notre
uranium, notre pétrole, notre gaz et nos richesses. L’immensité de nos terres
les rend fous. Ils veulent que nous payions le prix de leur décadence, de leur
décrépitude, de leur déchéance et de leur désarroi. Ils enverront aussi leurs
drones assassins déjà déployés si prés de chez nous, leurs avions pour larguer
leurs bombes au phosphore, tuer des civils, des enfants, commettre
l’irréparable et l’innommable qu’ils nommeront quand même bavures involontaires
où effets collatéraux. Ils ne seront jamais, eux, des terroristes. Ils sont ici
pour, prétendent-ils, nous sauver et nous civiliser, eux qui nous ont souvent
ôté le pain de la bouche. Mais nous, nous continuerons toujours de croire
qu’il n’y aura de Mecque que celle que nous continuerons de chérir et d’aimer
et vers laquelle seront toujours orientées nos prières. Ils sèmeront partout le
désordre et la désolation. Et pendant que le Sahel deviendra le nouvel abcès de
fixation des stratèges du chaos, l’opinion internationale aura de quoi de se
délecter la vue, oublier ses angoisses et dissertera à propos des mausolées
maraboutiques de Tombouctou.
Et pendant ce temps là, El-Qods bénie, elle, pourra
être détruite. Et personne ne dira que cette destruction est l’œuvre de
fanatiques, ni ne condamnera la suppression des lieux saints
de Jérusalem, de ses monuments et ses autres antiquités arabo-islamiques.
Quant à nous et pour survivre, il nous faudra désormais apprendre aussi à
penser, à réfléchir et à agir pour sauver notre peau. Les loups sont déjà là.
Les loups sont entrés dans la ville. Demain, ils pourraient être parmi nous!

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