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Quand survient la grande solitude des sherpas

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Note de l'auteur: Ce texte a été publié pour la première fois en janvier 2013.

Les sherpas sont ce peuple originaire du Tibet, habitant les hautes vallées himalayennes du Népal, notamment au pied du mont Everest. Convertis désormais, pour certains d’entre eux, en guides de montagne, aucune ascension ne serait possible sans eux. La conquête des sommets culminants et de la cime du monde, l’Everest, n’a pu se faire que grâce à leur présence. Et elle ne peut se poursuivre que grâce à leur force physique, leur endurance, leur courage, leur connaissance pointue du relief, de l’emplacement des obstacles dangereux et de la topologie du terrain, de leur bravoure et de leur grand cœur. Combien de sherpas sont morts d’épuisement et n’ont pu vivre le moment sublime de la conquête du sommet ? Combien d’autres ont sauvé d’une mort certaine des conquérants imprudents, épuisés et à bout de souffle, parfois même au péril de leur propre vie ? Mais qui a entendu parler des sherpas, de leur incontournable rôle dans toutes les expéditions d’ascension de sommets célèbres ? Sans doute, pas grand monde. La gloire n’est jamais pour eux, et ils ne la connaissent, ni la quémandent. Les sherpas avancent dans la discrétion et agissent dans l’humilité. Ils s’épuisent aussi pour gagner leur pain et nourrir leurs familles. Ils ne rendent de comptes à personne et personne ne le leur demande.

De campement en campement, ils portent leurs charges, installent les lieux de repos et d’observation, ne donnent pas leurs avis sur les choix à effectuer mais conseillent parfois et lorsqu’on les sollicite sur les voies à emprunter, ils secourent et accompagnent ceux qui trébuchent en chemin où qui n’en peuvent plus et ne ménagent aucun effort pour que l’expédition aboutisse et que l’ascension s’accomplisse.




Les sherpas ont cet amour immense pour l’altitude qui forge leur caractère et leur confère l’humilité qu’ils cultivent à chaque ascension. Ils sont toujours seuls dans leur cheminement et le soir, épuisés dans leur campement, les étoiles leurs parlent et rompent leur solitude. La beauté de ce qu’ils voient et de ce qu’ils entendent les comble de bonheur et les rend heureux, les grandit et leur fait aimer le monde. Ils connaissent les cimes et cette altitude leur permet d’apprécier la grandeur des choses qui nous échappent et d’acquérir cette simplicité légendaire qui les rend presque muets. Ils n’exigent rien d’autre que le prix de leur immense effort et sont souvent mal rétribués. Ils ne refusent jamais d’être sollicités par ceux qui rêvent de conquérir les cimes et ne font jamais l’offense d’un refus. Même des plus polis. Ils sont ainsi faits. La montagne les fait vivre. Ils portent sur leur dos l’ambition des autres et leur bonheur est celui de ceux qu’ils aident et accompagnent. Et quand l’objectif est presque atteint, la gloire à quelques enjambées et le pic convoité à quelques encablures, ils savent alors faire place nette et s’éclipser. Il faut laisser les autres jouir du bonheur intense que procure la conquête du sommet. Les sherpas sont souvent pauvres et habitent dans des chaumières. Ils s’étonnent souvent et sourient aussi lorsque, bardés de matériel de plus en plus sophistiqué et de technologie de mieux en mieux élaborée, viennent vers eux, ceux qui rêvent encore de conquêtes. Lorsque le plaisir s’estompe et que l’aventure finit, il faut alors décamper et porter de nouveau matériels et cordages. La descente devient plus périlleuse encore que la montée et il faut faire aussi parfois avec les éléments qui se fâchent et se déchaînement. Neiges abondantes, fortes tempêtes et vents violents viennent à bout de toutes les certitudes. Il faut alors se soumettre et s’abriter. Et puis recommencer dés l’accalmie et à la première éclaircie. Le retour à la plaine se fait lentement. La respiration devient moins intense car il y a plus d’oxygène. Il faut aussi se séparer des nouveaux conquérants qui rentrent chez eux, dans ces pays lointains d’où ils sont venus. Certains oublient de les remercier, d’autres n’ont jamais de mots pour eux. Mais peu importe, ils se savent indispensables et rien ne peut se faire sans eux. Et en attendant la prochaine expédition, les sherpas rentrent chez eux. Leur salaire n’est pas celui de la peur mais combien d’intenses émotions vivent-ils à chaque ascension ? Il faut retrouver les siens, s’acclimater de nouveau et faire ses emplettes. Le peu d’argent acquis au prix de mille efforts leur permet aussi cela, rentrer chez soi avec plein de victuailles et beaucoup de chose utiles pour ceux que l’on a oublié le temps d’une aventure. Si la manie du secret est un marqueur des régimes totalitaires, celle du non dit est celui des sherpas. Ils ne s’expriment pas beaucoup et ne révèlent jamais leurs songes. La montagne les a forgés et l’expression de leur visage en dit beaucoup plus sur ce qu’ils ressentent et ce qu’ils voient. Les sherpas n’aiment pas les plaines car elles grouillent de monde. Ils ne connaissent que l’altitude.  La vie au pied des montagnes leur semble suffocante et ils ont hâte de repartir. Il faut alors attendre qu’on vienne les chercher. L’attente est parfois longue et il faut alors prendre son mal en patience. Les sherpas deviennent alors tristes. Ils préfèrent observer le monde du haut des cimes couvertes de blanc immaculé. L’humanité leur semble lilliputienne et tout est tellement si fragile. Alors parfois, il faut vivre l’attente de la prochaine remontée au sommet. Ils se sentent subitement seuls, mélancoliques, envahis par ce sentiment indescriptible de frustration intense, cette sensation terrible d’être plombé au sol et cette privation d’ascension. Cette solitude des sherpas des plaines.

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