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http://www.alterinfo.net/Confessions-post-mortem-d-un-vieux-baltagi_a87839.html
http://www.lnr-dz.com/index.php?page=details&id=22883
Avertissement: Les faits relatés ci-dessous sont imaginaires et toute ressemblance avec des faits réels ne serait que fortuite et pure coïncidence. Il s'agit d'un monologue ou l'auteur se met à la place d'une personne perdue. Mais l'histoire mouvementée et parfois tragique de l'Algérie indépendante n'en est pas moins présente tant le personnage du baltagui n'est que métaphore.
Note de l'auteur: Cet article est également publié sous le titre Confessions post-mortem d'un vieux baltagui
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j'ai décidé aujourd'hui de mettre fin à mes jours. Je sais
que mon honneur est à jamais perdu mais j’ai décidé de libérer ma conscience du
poids des crimes que j’ai commis. Bien qu’elle se soit souvent endormie, j’ai comme
tout le monde une conscience qui est d’ailleurs de plus en plus mauvaise. Elle est en fait celle
des imbéciles, de ceux qui ont permis aux pires crimes d'exister et d'être commis sans
jamais réagir ou qui y ont contribué.
J’ai déjà essayé de me suicider. La dernière fois, j’ai voulu me jeter
sous un train mais le Chef de gare s’en est vite aperçu et m’a rattrapé. Il m’a
conseillé de ne pas le faire et que cet acte de folie pouvait provoquer la
paralysie du trafic ferroviaire et que c’est contraire à l'Islam. Je comprends
aussi maintenant qu’il est plus facile de donner la mort aux autres que de se la
donner à soi-même. J’ai soixante quatre ans et un mois. Je suis né quelques
années avant le déclenchement de la guerre de libération nationale. Contrairement
à certains de ses voisins, mon père n’a pas rejoint les résistants algériens.
De très forte corpulence, sain de corps et d’esprit, aimant la vie, il a
préféré, comme beaucoup d’autres, se consacrer à l’exploitation de l’étal de
fruits et légumes qu’il tenait au marché et nourrir et élever sa nombreuse
famille. Nous étions huit frères et quatre sœurs sans oublier ma mère et une
tante, veuve d’un appelé du contingent mort en France pendant la seconde guerre
mondiale dans les rangs des combattants d’Afrique du Nord. Tous mes frères et
sœurs sont nés avant l’indépendance. Mon père est mort fin 1962 renversé par
une vieille Panhard conduite par un chauffard ivre-mort. Ce jour là, il y avait
beaucoup de monde à la maison. Ma mère pleurait en silence. En descendant
l’escalier du vieil immeuble dans lequel nous vivions, je me souviens de notre voisine
du dessous dont le mari a connu la mort sous la torture pendant la bataille d’Alger
et qui disait à ses enfants que les vrais hommes sont morts en martyrs et que
les autres devaient se contenter de mourir sous les crissements des pneus d’une
veille voiture et de surcroît au lendemain de l’indépendance
Mon père avait laissé suffisamment d’argent pour nous permettre de continuer de vivre normalement et surtout de grandir puisque nous étions encore des enfants. Ma scolarité, contrairement à celle de mes frères et celle de mes sœurs, ne fût pas brillante et je découvris très tôt que j’avais de sérieuses prédispositions pour le mensonge, le simulacre, la calomnie et pire pour tout ce que la morale et mon éducation musulmane réprouvaient. J’étais déjà un mauvais garçon précoce et je causais beaucoup de soucis à ma mère qui ne tarda pas elle aussi à mourir à son tour, dix ans jour pour jour après mon père. Ma mère mourut épuisée par la vie et par l’éducation d’une famille si nombreuse. Je me souviens de son visage angélique sur son lit de mort. Elle avait l’air souriant et la mort était sans doute pour elle une véritable délivrance. Je venais d’avoir vingt ans et mes dents étaient en excellente état et j’étais déjà prêt à accepter toutes les compromissions pour pouvoir croquer la vie. J’avais réussi malgré mes errements nocturnes à faire quelques études de comptabilité et je raffolais déjà des chiffres, du calcul mental, des bilans comptables …
Mon père avait laissé suffisamment d’argent pour nous permettre de continuer de vivre normalement et surtout de grandir puisque nous étions encore des enfants. Ma scolarité, contrairement à celle de mes frères et celle de mes sœurs, ne fût pas brillante et je découvris très tôt que j’avais de sérieuses prédispositions pour le mensonge, le simulacre, la calomnie et pire pour tout ce que la morale et mon éducation musulmane réprouvaient. J’étais déjà un mauvais garçon précoce et je causais beaucoup de soucis à ma mère qui ne tarda pas elle aussi à mourir à son tour, dix ans jour pour jour après mon père. Ma mère mourut épuisée par la vie et par l’éducation d’une famille si nombreuse. Je me souviens de son visage angélique sur son lit de mort. Elle avait l’air souriant et la mort était sans doute pour elle une véritable délivrance. Je venais d’avoir vingt ans et mes dents étaient en excellente état et j’étais déjà prêt à accepter toutes les compromissions pour pouvoir croquer la vie. J’avais réussi malgré mes errements nocturnes à faire quelques études de comptabilité et je raffolais déjà des chiffres, du calcul mental, des bilans comptables …
Aujourd’hui, j’ai décidé avant de mourir de livrer le seul
bilan qui m’incombe, le mien, celui dont je suis seul comptable, celui de mes
actes, des mensonges qui ont toujours été les miens et du souvenir de tous ceux
dont j’ai provoqué l’arrestation, la mort, des innocents que j’ai envoyé en
prison, des familles que j’ai endeuillé ou dont j’ai provoqué la dislocation,
des femmes honnêtes à propos desquelles j’ai colporté les pires calomnies et de
tous ces malheurs que j’ai provoqué. Après l’obtention de mon certificat
d’aptitude professionnelle, j’ai commencé à pratiquer les vices les plus
abjectes. Je me suis adonné sans retenue à la consommation d’alcool et j’ai
souvent fréquenté les femmes de petite vertu. En fait, depuis ma jeunesse, j’ai
exercé le plus infâme des métiers. J’ai été indicateur dans les années soixante
et soixante dix, mouchard dans les années quatre vingt et quatre vingt dix et
depuis je suis devenu ce que les révolutions arabes de ces dernières années ont
convenu d’appeler un baltagi, un expert, rompu à l’art de la calomnie, de la délation
et la dénonciation.
Depuis toujours, je me suis occupé de toutes celles et de
tous ceux qui ne pensaient pas comme ils devraient le faire. Je recevais mes
instructions d’inconnus qui me rédigeaient ma feuille de route et j’ai du
emprunter dans ce cadre les chemins les plus escarpés. Je ne posais jamais de
questions ni ne demandais d’explications. Je devais écouter, épier, suivre,
poursuivre et surveiller et rapporter
tout ce qui se disait, tout ce que j’entendais et tout ce que j’aurais pu voir.
J’adorais faire ce métier. Il s’agissait bien d’un métier puisque j’étais
souvent rétribué. Argent, parfois quelques bouteilles de Whisky dont je
raffolais surtout en ces périodes de disette éthylique et parfois même l’adresse
d’une mauvaise femme qui recevait l’ordre de très haut pour me tenir compagnie.
J’étais d’ailleurs cet être vil, sale, sans scrupules, capable de toutes les
compromissions et de tous les coups tordus pour vivre l’illusion de la
puissance et du pouvoir. Je compris plus tard que la puissance ne pouvait être
que celle de Dieu. Mais je ne continuais d’exister que par le mal que je faisais aux
autres et les drames que je provoquais. Grand de taille, orgueilleux et la mine
menaçante, je pouvais observer de très haut mon entourage et mes grandes oreilles
dont je déployais l’envergure me permettaient de tout entendre et de tout décrypter
surtout pendant les enterrements. Les cimetières sont les endroits ou l’on peut
recueillir les meilleures confidences surtout les plus précieuses. J’ai réussi
durant toutes ces années à débusquer bon nombre de communistes qui vivaient
dans la clandestinité et qui préparaient déjà quelques coups fumeux. Bien que
sans doute innocents, je les ai livrés, détruits et condamnées au silence. J’ai
réussi aussi à épier ceux qui se proclamaient nationalistes arabes, se
revendiquaient des droits de l’homme ou de la culture berbère. J’ai réussi,
grâce à un subtil dosage de mensonges et de faux témoignages, à fabriquer les
preuves de leurs complots séditieux ou de leur politique séparatiste. J’ai aussi
découvert ceux qui introduisaient en Algérie de drôles de manuscrits écrits
dans une drôle de langue composée de caractères qui ressemblaient à des olives et
à des bâtonnets. Mon correspondant m’expliqua un jour que même gravés sur des
pierres dans le grand sud algérien, ces caractères étaient des faux, sans doute
laissés par quelques aventuriers en quête de gloire. N’étant pas cultivé, j’ai
toujours considéré les propos de mon correspondant comme des paroles bibliques.
J’ai toujours abusé de ceux qui me faisaient confiance et me livraient le fond
de leurs pensées. J’ai trahi leur parole, leur amitié et même comme on dit chez
nous le sel que nous avons souvent partagé. J’ai parfois aussi constaté dans le
cadre de mes fonctions d’autres délits que je n’ai pas révélé, ni dénoncer et surtout
pas divulguer. Corruptions, vols, viols, détournements, etc. Je ne suis pas
stupide et je sais parfaitement exercer mon métier car ces délits devaient
toujours être tus car ils ne faisaient pas partis des objectifs qui m’étaient
fixés. J’étais un indicateur, un mouchard et rien d’autre. Surtout pas un
justicier ni un héros.
J’ai du aussi un jour enfiler une cagoule pour dénoncer certaines
personnes qui me connaissaient et que je soupçonnais d’être coupables de
troubles à l’ordre public, de vols ou d’activités subversives. J’ai ensuite
pris des responsabilités plus importantes. J’étais devenu un mouchard en chef
et j’ai pu grâce à mon intelligence maléfique tisser un réseau de mouchards que
je choisissais parmi les personnes les plus paumées, adeptes des tranquillisants
et souvent sans domicile fixe. Je leur procurais même des chiens que je leur
proposais de dresser. Je disposais ainsi d’une brigade canine que je pouvais
actionner en cas de troubles. Je devais parfois provoquer des incidents pour
faire avorter des manifestations pacifiques de citoyens mécontents et mettre en
prison des innocents accusés à tort des pires crimes.
Au milieu des années 90, je me suis particulièrement occupé
des barbus. J’ai souvent trahi la confiance des frères avec qui je faisais la prière
à la mosquée. D’ailleurs je me souviens être souvent allé à la mosquée après
avoir passé la veille une soirée bien arrosée. J’avais une haine pour ces gens
là parce qu’ils condamnaient tout ce que je faisais. Ils me révélaient en fait la
face hideuse de moi-même et cela je ne pouvais le supporter. J’appris bien plus
tard que les interdits n’étaient pas les leurs mais c’était déjà trop tard car j’avais
déjà cumulé tant de péchés. J’ai réussi aussi à faire emprisonner un
intellectuel qui m’avait traité de c…. Il m’a même dit qu’un certain Céline que
je ne connaissais pas avait dit que les c…s étaient les plus forts car ils étaient
les plus nombreux. Je me suis vexé et j’ai écris sur une petite feuille
activités criminelles à la place d’activités intellectuelles. Et comme je suis
inculte, j’ai cru qu’il m’avait appelé Céline, un prénom de fille mais je m’en
suis aperçu trop tard et il était déjà en prison. J’ai aussi appris à fréquenter
les centres de vote, à les surveiller puis à les diriger. Je suis devenu un expert en falsification des registres. J’ai
appris toutes les astuces permettant de faire élire qui de droit et d’éliminer
tous les autres, surtout tous ces idiots qui continuent de croire que le
pouvoir appartient au peuple. Durant ces dernières années, fort de mon expérience
et du fait de mon âge, j’ai rejoint une entreprise. Grace à mes relations, mon
expertise dans le mensonge et la calomnie, la forfaiture et la soumission, j’ai
pu obtenir un poste de responsabilité et j’ai sous ma responsabilité de jeunes diplômés
qui ont la naïveté de croire qu’on peut évoluer grâce aux études et à la
compétence. Bêtises. Ils oublient que dans ce pays, il n’y a aura jamais de places
pour les gens honnêtes et sérieux. J’ai réussi grâce à une indécrottable
habitude professionnelle à consigner sur des bouts de papier tout ce que je
pouvais savoir à propos de mes collègues. Habitudes, fréquentations, téléphones
et opinions. Je continue d’être un monstre froid. Un salaud. Un pourri. Et
cela, je le sais depuis longtemps. Mais j’avoue que je suis de moins en moins
assidu dans mes activités favorites. Je fais souvent des cauchemars. Je revois parfois
les cris de ces mères dont les enfants ont été déportés dans des endroits très éloignés
suite aux propos que je n’ai jamais entendu, contrairement à ce que j’ai
toujours affirmé, dans la salle des ablutions de la mosquée attenante à mon domicile
et que j’ai littéralement rapportés à mon correspondant. Je me souviens aussi
de ce vieillard que j’ai réussi à faire déposséder de ses terres. J’ai réussi à
le faire inscrire sur la liste des nationalisés. Il mourut après m’avoir
déclaré que déposséder un homme de sa terre c’est comme le déposséder de son
honneur. Un jour dans le bus, j’ai rencontré un monsieur de mon âge que j’avais
déjà dénoncé. Il me fixa durant tout le trajet comme s’il me connaissait depuis
toujours. En descendant du bus, je compris que comme pour le personnage du film
de Zinet, l’homme était aveugle et qu’il continuait de fixer le siège que je
venais de quitter. Depuis quelques semaines, j’ai honte de moi-même. Bien que
je ne souffre pas d’incontinence, je suis obligé de me changer chaque matin. Et
je me cache souvent. Les quelques amis que j’ai pu me faire, exceptée cette
vieille sorcière qui continue de sévir dans une entreprise publique et de
causer, grâce à ses relations, les pires ennuis à des enfants de bonnes
familles dont le seul crime est de repousser ses avances de vieille perverse et
qui appartient au milieu de la délation et de la calomnie, ont fini par me
quitter après avoir sans doute découvert le peu de noblesse de mon infâme
parcours professionnel. Aujourd’hui vendredi, jour béni de l’Islam et fête
hebdomadaire des musulmans, j’ai accompli ma prière. L’iman a prêché le Pardon
d’Allah pour ceux qui savent se repentir. Mais j’en ai trop fait. Je découvre
tardivement que j’aurai pu exercer un autre métier et il m’arrive aussi de
pleurer. Je demande pardon à Dieu. J’ai décidé en ce jour de mettre fin à ma
vie. Je me suis pendu à un arbre après avoir mangé le plat copieux que m’a généreusement
préparé mon brave voisin que je n’ai jamais connu et qui habite l’étage du dessous.
Ps : note post mortem à mon correspondant : Mon
voisin du dessous que j’ai dénoncé et envoyé en prison a découvert que j’étais
la cause de ses malheurs. Depuis, il ne cesse de me harceler. Je n’en peux
plus. C’est la dernière note que je rédige.

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