La doctrine de la non-ingérence et
de la non-intervention militaire est le meilleur investissement pour l’avenir
et le meilleur rempart contre l’incertitude. Le courage n’est pas dans
l’aventure mais dans l’adoption et la persistance dans le principe de
précaution. La non-ingérence n’est ni une posture de repli sur soi, ni l’absence de stratégie où de vision que n’auraient
pas ceux qui refusent les expéditions douteuses aux objectifs souvent inavoués.
La doctrine militaire s’inspire généralement d’une autre doctrine qui elle fonde
la conception que chaque état peut avoir des relations internationales et qui
se déploie par le biais de la diplomatie. La non-ingérence est le respect
absolu de la souveraineté des pays, de
l’intangibilité de leurs frontières et du droit des peuples à gérer eux-mêmes
les turbulences qu’ils traversent et à rechercher inlassablement les solutions
les plus opportunes pour les franchir du mieux possible et avec le moins de dégâts.
Et à respecter le rôle des institutions internationales qui lorsque leurs
missions ne sont pas dévoyées peuvent aider les pays en crise à résoudre leurs
conflits souvent armés grâce à des solutions politiques pacifiques et à les accompagner
pour les surmonter. Mais l’ingérence et l’intervention sont toute autre chose car il s’agit là d’abus,
d’agression et de viol de l’intangibilité des frontières.
Les exemples d’intervention
militaire et d’ingérence qui ont fait l’actualité des deux dernières décennies
ne manquent pourtant pas tout comme leurs conséquences. Si les troupes
américaines , par exemple, ont quitté ou plutôt fui l’Irak tout comme
d’ailleurs les français l’ont fait d’Afghanistan, ce n’est pas que sous la
pression de leurs opinions respectives, généralement hostiles dés le
rapatriement des premières victimes et souvent sceptiques face aux arguments développés
par leurs dirigeants et ce bien que cet élément ait son importance, ni parce que leurs agendas aient été accomplis
mais bel et bien sous la pression des populations autochtones qui résistent
(toutes tendances confondues), se battent et refusent la présence militaire étrangère
et par le nombre croissant de soldats
tués. Les militaires français ont connu les mêmes déboires en Afghanistan.
La nouvelle stratégie des armées
occidentales repose désormais sur le principe de zéro perte humaine obtenue
même au prix de milliers de victimes civiles innocentes induites en «terre
conquise» par les fameux effets collatéraux. Et l’usage criminel de drones pour
assassiner des personnes jusqu’en leurs domiciles en est la meilleure
illustration.
Il est désormais difficile de plaider
pour une nouvelle doctrine militaire à l’aube d’une redistribution des cartes,
y compris militaires, dans le monde. Nous sommes à la veille d’un chamboulement planétaire
majeur. Et ces nouveaux rapports de force pourraient naitre autour de
l’agrégation potentielle de ces nombreux conflits qui gangrènent la planète.
Les puissants de ce monde ne sont pas dupes et savent qu’il ne faut surtout pas
s’auto anéantir mais entretenir la tension, la circonscrire pour mieux
«avancer». Mais la partie n’est plus facile et les résultats escomptés ne sont
plus là. Une nouvelle démonstration de ces nouveaux rapports de force en
gestation induite par la situation désastreuse créée en Ukraine qui après avoir
été pensée et conçue par l’Europe et les Etats-Unis, exécutée par les segments Ukrainiens les plus
réactionnaires et qui a eu pour seul et unique objectif d’anéantir la Russie
pour de nombreuses années a été la cinglante réponse de cette dernière qui s’en
est suivie. L’annexion-réappropriation de la Crimée a constitué un défi lancé
par la Russie à cette provocation qui a
révélé les premières fractures dans le camp occidental qui depuis recule sur sa doctrine d’intervention en
Ukraine et même montre ses premiers signes d’affolement et de faiblesse.
La Russie et la Chine annoncent
des manœuvres militaires terrestres conjointes pour 2015 et certains experts n’hésitent
même pas à dire qu’elles ont pour but de ramener les Etats-Unis à un
comportement plus civilisé notamment dans leur perception du monde et des
relations internationales. L’entêtement
de la Corée du Nord est aussi un signe fort qui ne trompe personne. Il révèle
en tout les cas le rôle prépondérant que la Chine entend jouer non seulement en
Asie mais aussi dans le monde et qui ne cache plus ses ambitions à conquérir le
leadership mondial et pas uniquement, comme le prétendent certains spécialistes, sur le plan économique.
Israël qui dispose d’un potentiel nucléaire militaire important et jouit du
parapluie américain sait également que la donne mondiale est en train de
changer et s’y prépare.
De nombreux observateurs sont convaincus que
l’Iran maitrise désormais aussi bien la technologie des drones, les dispositifs
de lanceurs adaptés aussi bien à l’exploration de l’espace qu’à la balistique,
la technologie furtive que l’enrichissement de l’uranium. Rien que cela. Et
pourtant l’Iran n’appartient pas au carré sacré prédéfini des puissances militaires
de ce monde. La technologie des satellites et leur utilisation pour la
surveillance n’a plus de secret pour l’Inde et la Chine. Cette dernière
maitrise dorénavant la conquête de l’espace et ses dernières prouesses
technologiques prouve qu’elle dépassera à moyen terme les Etats-Unis.
La désintégration de la Libye a
été provoquée par l’occident tout comme l’a été l’anéantissement de Irak et l’appauvrissement
de l’Afghanistan. La reconstruction de ces pays se fera par eux-mêmes lorsqu’ils
dégageront les consensus nécessaires et redécouvriront les vertus de la paix
civile, du dialogue et le confort que peut procurer un Etat stable dans ses fondements
institutionnels. L’Algérie et son armée ne peuvent servir de supplétifs à
l’accomplissement de ténébreux desseins. La puissance militaire s’accomplit et
s’affirme désormais dans le renseignement, la surveillance aérienne et satellitaire
des territoires et l’anticipation des frappes ennemies. Se défendre lorsqu’on
est acculé où en voie de l’être est légitime. Ce dernier élément lorsqu’il est
prouvé et justifié peut constituer le seul et unique argument pouvant conduire à
la dérogation exceptionnelle et extrêmement limitée dans le temps au
sacro-saint principe de non-ingérence qui fonde une doctrine militaire, comme
la nôtre, qui puise ses racines dans
notre histoire et dont l’adaptation, mais non pas la rupture, induite par le nouveau
contexte régional lourd de menaces qui nous entoure (conflits au sein de pays
voisins mais aussi volonté belliqueuse de l’occident) est semble-t-il d’actualité.

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