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Ne pas être d’accord est un comportement profondément humain. Pouvoir exprimer pacifiquement et librement un avis différent et être entendu pour qu’il soit pris en compte est une aspiration légitime et citoyenne et traduit le plus souvent l’existence d’une société civilisée ou le respect mutuel est le socle du vivre ensemble.
Passionné
par la question de la non-violence et spécialiste de l’Europe du XXème
siècle, Jacques SEMELIN, Professeur à Sciences-Po Paris (France) énonça(*) que toute opposition ou toute
résistance individuelle «est souvent une énigme»
et qu’elle devient «une surprise» lorsqu’elle
est de masse. Et de poursuivre à
propos des turbulences qui caractérisent ou qui ont caractérisé le monde arabe,
que «dans toute émergence d’une résistance
civile, il y a d’abord un refus de la fatalité. Un sujet se dit qu’il ne peut
plus accepter un système, au nom d’une histoire, d’une culture dont il se sent
porteur ou de façon viscérale à cause de ce qu’il vit au présent. Ensuite vient
l’affirmation de valeurs ou l’on retrouve les droits fondamentaux :
liberté, dignité, droit à l’opposition, à la sureté, à la propriété, ….. La troisième
dimension est la solidarité, parce qu’on ne peut y arriver seul. Enfin il y a
l’élaboration d’un projet : que construire d’autre, quel nouveau contrat
du vivre ensemble». Ce séquentiel théorique du changement peut caractériser
un processus de transformation conduit en douceur ou un processus dit
révolutionnaire avec tout ce que peut renfermer ce dernier comme potentiel de
déviation, d’essoufflement, d’extinction, de radicalisation et aussi comme
marge qu’il peut laisser à l’éveil d’un processus contraire dit lui de
contre-révolution.
Ne pas être d’accord est un comportement profondément humain. Pouvoir exprimer pacifiquement et librement un avis différent et être entendu pour qu’il soit pris en compte est une aspiration légitime et citoyenne et traduit le plus souvent l’existence d’une société civilisée ou le respect mutuel est le socle du vivre ensemble.
Essayer
de bannir toute forme d’opposition politique où de la contenir dans un
«espace circonscrit» serait fatalement
contre-productif. Concevoir l’existence d’une opposition que sous l’angle
biaisé de la menace potentielle qu’elle pourrait constituer pour le pouvoir en
place serait une erreur voire une faute politique majeure que ne commettraient
pas les pires adversaires. S’exprimant à propos
d’une paix possible à mettre en place dans le conflit du Proche-Orient, un sinistre personnage
aujourd’hui décédé disait que la paix, selon lui, ne pourrait se concevoir qu’avec
les durs car seuls ces derniers, et contrairement aux autres, ont une parole et
ne renieraient jamais leur engagements. L’existence d’une opposition véritable serait
sans doute le meilleur garant d’une stabilité des institutions et le meilleur
rempart contre le déferlement brutal des colères dont on connait toujours le
début mais jamais l’issue ni la fin.
Partout
dans le monde, l’opposition politique a toujours eu pour ambition de se battre
pour accéder au pouvoir par des moyens pacifiques afin de mettre en place un
programme qu’elle aura eu toute la latitude d’expliciter en tant que force
d’opposition et de propositions. Et dans ce cas de figure et pour citer un
ancien Président Français, c’est dans cette posture, celle de l’opposition,
qu’il faut toujours être le meilleur car une fois au pouvoir … les promesses
n’engagent hélas le plus souvent que ceux qui les entendent. L’existence d’une opposition
politique, respectée, représentée au parlement grâce à un scrutin libre et honnête,
et qui s’exprime, propose, se réunit et le cas échéant manifeste pacifiquement
est un exercice sain qui consolide la cohésion sociale et permet l’alternance
pacifique au pouvoir lorsque les conditions politiques, économiques et sociales
l’exigent et l’imposent. C’est aussi un long apprentissage qui s’acquiert petit
à petit. Une opposition capable de
canaliser sainement les colères est une richesse que seule la démocratie
représentative permet d’obtenir. N’oublions pas dans ce contexte que des
régimes ayant dirigé leurs pays d’une main de fer sont parfois tombés comme des
châteaux de cartes. Ils étaient pourtant tous convaincus d’avoir toujours
raison et que rien ne pourrait résister à leur force ni à leur puissance et ils
ont entrainé dans leur chute leur pays tout entiers. Des processus révolutionnaires,
avortés ou pas, ont eu lieu dans le monde arabe et ont été le plus souvent induits
et catalysés par la répression massive pratiquée à l’encontre des populations
et de la diversité d’opinions. Les régimes issus de ces révolutions et
nouvellement installés ont trébuché sur deux réalités tragiques. Un manque colossal
de moyens financiers pour apaiser et satisfaire l’impatience des peuples et
l’absence d’une opposition politique, laminée par les régimes précédents, capable
de donner du sens à la contestation et de révéler de nouvelles perspectives et
de nouvelles raisons d’espérer à une société complètement déstructurée par
l’effet conjugué de la peur et de l’usage inconsidéré de la force. Ils ont été pour certains anéantis par une
contre-révolution soutenue discrètement par l’occident. La nouvelle conjoncture
internationale est aujourd’hui et plus que jamais caractérisée par la mise en
place d’une stratégie mondiale de démantèlement de pays souverains. C’est
désormais une réalité incontestable et impitoyable. Ces desseins macabres sont
souvent mis en place grâce à la collaboration inconsciente de régimes qui
continuent de croire que l’on peut tout faire soi-même et qui prétendent pouvoir
s’émanciper d’une opposition politique dont l’existence et les propositions pourraient
s’avérer salvatrices si le danger de l’instabilité et pire celui de la
désintégration venaient tous deux à devenir, du fait d’une conjoncture
économique désastreuse et d’un voisinage lui-même complètement disloqué, une
réalité qu’il faudrait vite vaincre et dépasser pour ne pas sombrer et
succomber. Le mythe de l’ennemi de l’intérieur ne résiste plus aux aspirations
citoyennes et les nouveaux rapports de force dans le monde induisent
inévitablement de nouvelles attitudes et de nouveaux comportements. L’adoption
par l’Algérie du principe de précaution et son appropriation de l’intelligence
au profit de l’anticipation des dangers potentiels qui pourraient surgir à tout
moment sont une nécessite vitale du fait d’un contexte régional extrêmement
mouvementé. La primauté au développement économique bien pensé et bien mis en
œuvre est aussi une démarche saine qui permet de réduire les inégalités
sociales, d’apaiser les tensions et de contenir les frustrations qui font
souvent le lit du chaos et du fascisme. Et redonner de la fierté à un peuple
qui a plus que jamais besoin de vivre en paix dans un pays prospère, le sien
et nulle part ailleurs, et une société
apaisée est un challenge que beaucoup de monde veut relever et gagner. Mais
concevoir qu’il n’y aurait pas dans ce pays de place pour ceux s’opposent et
qui proposent autre chose pourrait provoquer une immense illusion, plus grande
que toutes celles que pourrait provoquer l’ivresse du pouvoir, celle de voir
que tout peut devenir subitement si fragile et s’effondrer. Nous détenons
nous-mêmes les atouts de notre puissance future qui peut se déployer et qui
n’est pas elle une illusion. Mais cette puissance aura l’envergure que lui
donnera la volonté politique qui sera la nôtre de mettre en place et une fois
pour toutes les standards universels qui permettent d’exercer où de quitter le
pouvoir pacifiquement et par la seule voie du suffrage exprimé librement
et respecté!
(*) In
Forum & débats. Quotidien La Croix (France) du 10 mai 2011.

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