Depuis que la terre est ronde, le monde a marché sur
la tête et les pyramides ont fini par s’inverser. Les enfants ont perdu leurs
rêves et l’odeur des champs leur est devenue inconnue. Les forêts ont en partie
disparu et l’eau douce s’est raréfiée. Et les hommes ensanglantent toujours la
terre qui ne donne désormais plus assez de fruits. L’eau qui vient souvent nous
inonde charrie avec elle de longues périodes de sécheresse. Les
saisons s’entre-déchirent, s’entremêlent et ne laissent transparaitre qu’un
timide printemps. Les poètes ne se font plus entendre et à Alger les
chardonnerets ne nous enchantent déjà presque plus.
Le désarroi habite
l’humanité et la malédiction l’habille. La terre, plus souvent que d’habitude,
tremble de ses entrailles et secoue les chaumières habitées de nos habitudes.
Mais avant que ne soit lavé l’affront et à l’aube des
incertitudes, la soixantaine en bandoulière, perdu dans la foule et désemparé
par ce qu’il voit et ce qui l’entoure, un homme assis au seuil d’une mosquée,
emmitouflé dans son vieux pardessus, fait son mea culpa. Au vent qui se lève,
il décide d’avouer ses fautes avant qu’il ne soit trop tard, de mourir et
de mériter peut-être la lumière.
Au vent qui passe et qui ne l’attends plus, il avoue
n’avoir reçu en guise d’héritage qu’une solide éducation forgée dans le respect d’autrui, la quête de la perfection et l’effort incessant, inlassable et toujours reconduit pour les autres.
Il affirme aussi cette recherche assidue de l’école,
des connaissances puis cet accès au savoir. Il confesse n’avoir jamais volé, ni
violé, ni confisqué la part du pauvre.
Il affirme s’être toujours contenté de si peu, confirme son penchant pour la lecture et son indifférence à l’égard de l’argent
et de la jouissance aveugle, sans limite et insatiable. Il jure n’avoir jamais
dilapidé les biens d’autrui, ni corrompu personne et ni l’avoir jamais été un
jour. Il ose dire n’avoir toujours eu que Dieu pour unique maître et n’avoir
jamais invoqué nul autre protecteur. Il avoue encore que le savant est mieux
que l’inculte, l’instruit que l’analphabète, la science que l’ignorance,
l’honnête que le malhonnête et confirme avoir prêché la bonne parole, semé la
droiture pour espérer cueillir la sagesse et appelé à la rectitude et au
repentir.
Il se relève et poursuit son chemin non sans avoir
récité l’une de ses prières favorites, celle qui invoque Dieu et son
souvenir qui apaise les cœurs. Il prie pour mériter Sa Clémence et reprend
son chemin. La route jonchée d’obstacles et d’imprévus est encore si longue et
la halte n’est plus permise. La bataille pour la vie est rude et vertigineuse
et laisse sur la marge ceux qui n’ont en déjà plus envie. Et il faut se démener
comme on peut. Mais la réussite a soudain une odeur nauséabonde et la richesse
un air avili et mortifère. Il faut vite courir pour défaire ce que d’autres ont
déjà noué.
Fatigué, il ne veut plus continuer ces chemins escarpés
qu’il ne veut plus parcourir. Non, il avoue et ose vouloir rester encore et
toujours le même. Il affirme à qui veut bien l’entendre que la vie nous
emprisonne et que seule la mort nous libère. Il relève la tête et entend
le vent qui lui souffle à l’oreille le cri des mouettes. La vie aura toujours,
dit-il, le goût du sel et l’odeur de la houle.

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